Me disait elle ça, uniquement pour me rassurer ? Cette pensée me déplaisait. Ainsi, elle comprenait pas que j’avais besoin de m’assurer qu’elle vive. J’étais destiné à avoir une courte existence. Mais pas elle. Un jour viendrait où elle quitterait cet endroit. Elle pourrait se construire. Rencontrer de nouvelles personnes et un mec qui l’aimerait comme il le devait. Elle en viendrait à donner son cœur et sa confiance. Je tenais à ce qu’elle ait droit à cette vie. Peut être ne pouvait elle pas comprendre ça. Parce que je tenais à elle et que l’imaginer malheureuse me brisait. C’était difficile de découvrir et d’accepter qu’en fait on était deux inconnus sans vraiment l’être. Il y avait toujours eu une sorte de lien entre nous. Et pourtant, nous n’avons jamais fait un pas l’un vers l’autre. Sauf pour nous rendre la vie impossible. Aujourd’hui tout me semblait différent.

« - Une chose Halay. Ne me fais pas de promesses que tu ne pourras tenir. J’avais promit à ma sœur de toujours veiller sur elle… résultat, elle est morte. Ne me fais pas ça ! » articulais je sans la quitter des yeux.

Abandonné par sa famille. Voilà comment il se considérait, même si ça n’avait été qu’un accident. La souffrance, elle, ne s’était jamais éteinte. Il vivait avec. Il était le survivant. Ce qui était loin d’être la vérité la plus simple à accepter. Ainsi, l’idée qu’elle s’accroche à moi – bien que ça me dérange encore – je crois que je ne peux rien y faire. D’une certaine façon, je songeais que c’était juste inévitable. Parfois certaines personnes se rapprochaient dans des circonstances particulière. Je considérais que c’était notre cas. Mais quitte à se rapprocher de moi, je ne voulais pas qu’elle perde le contact avec ses amis. D’accord on passerait du temps ensemble mais il y avait d’autres personnes à qui elle devait penser. Avec qui se changer les idées. De plus, elle aurait besoin d’eux pour se divertir lorsque je ne serais plus là. Il était donc important à mes yeux qu’elle reste en contact avec eux. Croisant son regard à ses propos, je me pinçais la lèvre. Etais je le seul à ressentir cette tension qui nous enveloppait ? Nos silences était parfois très éloquent. Comme si nos cerveaux se retrouvaient connectés. J’en venais même à avoir envie de lui sourire. Pourtant je m’en retins. Préférant l’observer et me plonger dans son regard troublant.

« - En effet… sauf que je doute d’être à la hauteur de tes attentes. » soufflais je. Peut être n’attendait-elle pas grand-chose de moi, mais il fallait être réaliste. Mes jours étaient comptés. En restant à mon coté, elle se ferait du mal. Et pourtant, elle était prête à endurer ça, se moquant totalement de la souffrance qui s’en suivrait.

Le moment n’était pas adéquat pour sourire et pourtant j’en avais envie. La situation était compliqué et je me surpris à prendre tout ce que la vie m’offrait. En étant à mon coté, je profitais de chaque instant comme s’il était le dernier. Tant qu’elle serait là, rien de mal ne m’arriverait. Certes, ça ne serait pas simple mais on pouvait espéré vivre quelques instants de douceur et de sérénité. Bon, peut être ne me comprendrait elle pas. Que je veuilles partir en douceur et dans l’anonymat mais c’était mon choix. Et puis, on m’oublierait vite. Lorsque je m’approchais d’elle en lui proposant de marcher, je fus surprit qu’elle prenne finalement ma main. Moi qui évitait généralement tout contact. Ça me semble juste incroyable. Au détour de quelques pas, je tentais de nouer un dialogue afin d’en connaitre plus sur elle. Car après tout, même si on se voyait régulièrement depuis des années, je ne savais rien de son histoire. Je l’écoutais alors attentivement avant de poser un regard intense sur elle.

« - T’auras au moins eu la chance de bien les connaitre. Même si c’était égoïste de la part de ta mère de te laisser seule au monde. Elle aurait pu penser à ce qu’il adviendrait de toi… » C’était sortit tout seul. Contrairement à moi, elle aurait pu finir dans une famille. Je me pinçais les lèvres, car j’aurais peut être du y réfléchir plus amplement. « Désolé. J’aurais pas du dire ça… »

J’allais évidemment trop loin. Pourquoi me sentais je obligé de la presser ainsi. Mon sursis était de très courte durée, mais en quoi je pouvais lui mettre autant de pression. Une fois que je serais partie, elle aurait la voie libre pour faire tout ce dont elle voudrait. Je ne pourrais l’obliger à rien. De plus, nous nous connaissons à peine, même si on se côtoie fréquemment dans l’enceinte du manoir. Je ne pouvais pas décemment lui en vouloir de me dire ça. Je me contentais alors de baisser la tête. Côtoyer un condamné n’avait rien de réjouissant. C’était même un calvaire. Mes actions allaient la couper du reste du monde. Ce qui ne me plaisait absolument pas.

Sa franchise me touchait, car elle ne cherchait pas à me cacher la vérité. Même si elle faisait mal. C’était vrai que j’aurais aimé entendre une toute autre réponse mais dans le fond elle avait raison. Quoi qu’il arrive, je devais m’y faire. Elle était décidé à rester à mes cotés. A me voir très souvent, passer du temps à discuter avec moi alors que je ne lui avais rien demandé. Je tenais juste à ce qu’elle ne s’éloigne pas trop de ses amis. Certains ne comprendrait pas forcément ce qui nous lie l’un à l’autre. Après, c’était si soudain cette nouvelle entente, que je craignais leurs regards.

« - Le temps n’est pas exactement notre alliée, tu sais… » murmurais je, en portant mon regard au loin. « toi, au moins, tu ne me regardes pas comme un monstre. Je ne l’ai jamais été à tes yeux… » devinais-je en croisant brièvement son regard.

J’avais besoin de ça pour me rassurer. Un regard tendre, pas de pitié, juste cette sensation de compter pour quelqu’un. D’exister. Ça me donnait même envie de sourire. A moins que ça soit elle. Simple, naturelle, pleine de bon sens, maladroite et débordante de charme. Des choses qu’on ne remarquerait qu’au fil du temps mais que j’avais découvert très vite. Marchant main dans la main, tout s’était précipité sans même que je prenne réellement conscience de mes actes. Je me sentais proche d’elle, dans plusieurs sens. Etrangement, je savais que je pouvais lui faire confiance et que mon secret serait bien gardé. Les fuites n’existeront pas. Et en même temps, je craignais tout ce qui se chamboulais en moi. Elle n’était plus une inconnue, mais la jeune fille sur qui je pouvais m’appuyer. Celle là même qui pourrait me réapprendre à vivre et à sourire.

Au fil de nos pas, la conversation dévia alors doucement sur nos vies. Sa famille à elle et son arrivée au manoir. Des mots m’échappèrent, peut être étais je allé trop loin. Mais elle me rétorqua que je n’avais pas à m’excuser, que ça n’était pas grave. Elle avait tort selon moi. J’étais allé trop loin. Je cherchais quoi répondre lorsque ses doigts se resserrait sur les miens. Ce contact m’apaisait, me calmait et m’évitait de trop penser. Juste parce qu’elle me faisait part de sa présence et me prouvait que je n’étais plus seul.

Sa question vint alors me faire l’effet d’une bombe. Lui aurais je dit la vérité de mon propre chef ? Avouer ma maladie et que j’avais bien un problème. Baissant la tête un instant, j’arrêtais de marcher.

« - Je crois que tu connais déjà la réponse à cette question. » fis je simplement en relevant mon regard dans le sien. Que voulait elle que je lui dise de plus. Que si je n’avais pas eu cette crise, j’en aurais rien dit à personne ? C’était exactement ça. Ma maladie ne concernait qu’une seule personne, moi.

« - On devrait rentrer. Il va commencer à faire froid. » éludais je en faisant demi tour. Etrangement, je ne lâchais pas sa main. Où tout ça allait il nous mener ? je n’en savais absolument rien. Tout ce qui m’était certain, c’était que les jours à venir allaient se compliquer. Surtout maintenant qu’on avait briser la glace.